EN UN COUP D’ŒIL
- La crise des feux de forêt au Canada est alimentée par la dépendance aux énergies fossiles, produisant des conditions plus chaudes, plus sèches et des saisons de feux prolongées;
- Les communautés à travers le pays, en particulier les peuples autochtones, subissent des impacts sanitaires, économiques et sociaux considérables;
- L’expansion des industries pétrolière, gazière et charbonnière alimente ces conditions tout en tirant profit de la destruction;
- Des changements systémiques et des actions communautaires, y compris la gestion autochtone et les solutions d’énergie renouvelable, sont essentiels pour prévenir de futures catastrophes;
- La mobilisation citoyenne à l’échelle locale est cruciale pour propulser l’action politique et des événements tels que les jours d’action « Fixons les limites » le 20 septembre sur le plan fédéral et « Ensemble pour la suite du monde », le 27 septembre, sur le plan provincial au Québec.
Cette saison des feux de forêt met à l’épreuve la résilience du Canada comme rarement auparavant.
Plus de 7,8 millions d’hectares de forêt ont brûlé cette année — soit approximativement la superficie du Nouveau-Brunswick — et les incendies continuent de ravager la Saskatchewan, le Manitoba, la Colombie-Britannique, l’Alberta, les provinces atlantiques et les Territoires du Nord-Ouest. Les flammes ont forcé des évacuations massives par dizaines de milliers (dont environ 13 000 personnes des Premières Nations encore déplacées) et ont projeté des panaches de fumée à travers le pays et au-delà de la frontière sud, déclenchant des alertes sanitaires et des avertissements sur la qualité de l’air.
Ce qui est trop souvent laissé de côté dans les médias, c’est la raison pour laquelle cela continue d’arriver. Si la foudre ou une erreur humaine peuvent déclencher des incendies isolés, les conditions qui leur permettent de se propager avec autant de force ne sont pas aléatoires. Elles sont le résultat direct de décennies de consommation effrénée de combustibles fossiles, qui ont intensifié le réchauffement climatique et modifié fondamentalement le climat canadien.
Le pétrole, le gaz et le charbon ont surchargé notre atmosphère en gaz à effet de serre, emprisonnant la chaleur et créant des étés plus chauds et plus secs. Par conséquent, le Canada se réchauffe à un rythme d’environ deux fois la moyenne mondiale, produisant des saisons de feux plus longues et des incendies plus extrêmes. Plus de 25 millions d’hectares de terres canadiennes ont déjà brûlé entre 2023 et 2025.
Ce n’est pas seulement une histoire de changement climatique. C’est une histoire de grandes entreprises qui profitent de la production et la consommation de combustibles fossiles pendant que les communautés en paient le prix. L’expansion pétro-gazière contribue aux conditions qui aggravent la crise des feux de forêt année après année.
Les conséquences sont dévastatrices. La fumée des feux de forêt contient des particules fines (PM2,5) qui pénètrent profondément dans les poumons et la circulation sanguine, augmentant le risque de maladies cardiaques, de problèmes respiratoires et d’impacts neurologiques tels que la démence. L’exposition à la fumée accroît également le risque de TSPT, de dépression et d’anxiété, touchant de manière disproportionnée les communautés autochtones qui — représentant déjà plus de 42 % des évacuations liées aux feux de forêt ces dernières années — subissent des impacts accrus sur leur santé mentale et physique à cause des traumatismes liés aux incendies.
Les dangers ne s’arrêtent pas aux incendies eux-mêmes : certaines pratiques forestières (comme l’utilisation du pesticide toxique glyphosate pour faire pousser des conifères prisés pour leur valeur commerciale) rendent les forêts plus inflammables. Cela favorise la propagation plus rapide et la combustion plus intense des incendies. Par ailleurs, les interventions de lutte contre les incendies peuvent aussi créer des risques : des produits chimiques toxiques et dangereux pour la santé appelés PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), souvent présents dans les mousses et retardateurs de feu utilisés pour gérer les incendies, ne se décomposent jamais et peuvent s’accumuler dans l’eau, l’air et même le sang humain.
En somme, le coût humain et écologique est immense. Des maisons, des moyens de subsistance et des infrastructures critiques sont détruits, tandis que des écosystèmes entiers sont modifiés, affaiblissant les forêts et ralentissant la séquestration du carbone. Les incendies répétés contribuent à un « échec de régénération », où les paysages brûlés mettent des décennies à se rétablir, voire ne se rétablissent jamais. Les énormes quantités de carbone stockées dans ces forêts sont relâchées dans l’atmosphère, alimentant davantage le réchauffement climatique et créant un cercle vicieux dangereux.
Santé Canada estime que les impacts liés aux feux de forêt causent environ 240 décès et 1,8 milliard de dollars en coûts de soins de santé chaque année. Parallèlement, les coûts d’assurance, les dépenses de lutte contre les incendies et la reconstruction pèsent sur les budgets provinciaux et fédéraux, augmentant le coût de la vie pour tout le monde — tandis que l'industrie des énergies fossiles continue d’afficher des profits records.
Les modèles climatiques indiquent que sans réductions rapides des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation de combustibles fossiles, le Canada fera face à des saisons de feux plus longues, à des températures plus élevées et à une destruction sans précédent. Pourtant, malgré ces avertissements clairs, les médias traditionnels et les responsables politiques s’abstiennent délibérément de nommer le véritable responsable.
Comme le souligne un récent épisode du balado Short Cuts de Canadaland, même lorsque les médias abordent le changement climatique, ils vont rarement jusqu’à relier la gravité croissante des catastrophes climatiques à l’industrie des combustibles fossiles. Très peu d’articles expliquent que le Canada, quatrième producteur mondial de pétrole et de gaz, contribue directement à l’intensification des feux de forêt, des sécheresses et des vagues de chaleur que nous connaissons chaque année. Même parmi les articles sur le climat, moins de 11 % font référence aux combustibles fossiles.
Les acteurs politiques ne font pas exception. Alors que certain·e·s élu·e·s étasunien·ne·s critiquent le Canada pour la fumée qui affecte leurs États (et que nos propres politicien·ne·s se renvoient la balle sur la gestion forestière), peu reconnaissent la racine du problème — à savoir comment des décennies de dépendance aux combustibles fossiles de part et d’autre de la frontière ont créé les conditions de ces catastrophes. Ce lien manquant donne aux Canadien·ne·s l’impression que les feux de forêt sont des « catastrophes naturelles » inévitables plutôt que le résultat de notre dépendance de longue date au pétrole et au gaz et de notre enracinement continu dans une économie fossile.
Pour les activistes climatiques, les organisateur·rice·s au niveau communatuaire et tou·te·s les habitant·e·s de la planète, ce contexte est crucial. Comprendre la dépendance aux combustibles fossiles et le manque de régulation comme causes profondes de la crise des feux de forêt au Canada est essentiel pour un dialogue social éclairé et une communication climatique pertinente. Il est tout aussi important de répondre aux incendies avec des mesures d’urgence pour protégées les communautés touchées que de remettre en question les systèmes qui alimentent ces catastrophes climatiques. En présentant la crise comme le résultat de notre dépendance aux énergies fossiles et de la cupidité des entreprises, nous pouvons mieux cerner où nos efforts et notre pouvoir de mobilisation comptent le plus : dans la lutte pour un changement systémique qui protège la santé et la sécurité des collectivités et le climat.
Tout comme la consommation d’énergies fossiles nous a mené·e·s ici, s’en libérer peut transformer notre avenir. Nous connaissons les solutions : investir dans les solutions d’énergie renouvelable à notre portée, éliminer la combustion de pétrole et de gaz, interdire la publicité pour les combustibles fossiles et financer une transition juste qui priorise les communautés. La gestion dirigée par les peuples autochtones a depuis longtemps offert des modèles éprouvés pour réduire les risques et renforcer la résilience.
À travers le pays, vous êtes nombreux·euses à vous mobiliser pour ce changement, avec des campagnes locales inspirant des actions à l’échelle régionale et nationale. Nos Carrefours communautaires climatiques, par exemple, mettent en lumière les pratiques qui alimentent ces catastrophes, exigent des mesures pour protéger toutes les communautés touchées et militent pour des politiques climatiques proactives qui abordent à la fois la prévention et l’adaptation. Des coalitions demandent que les gouvernements affrontent le pouvoir des industries et investissent dans l’énergie propre. Et ce 20 septembre, les Canadien·ne·s se joindront à la Journée internationale Fixons les limites, dont Réalité climatique Canada est partenaire, pour exiger que nous ne laissions plus les compagnies de combustibles fossiles dicter notre avenir. Une semaine après, tout à travers le Québec, le mouvement Ensemble pour la suite du monde s’active pour exprimer haut et fort qu’il faut mettre en œuvre les solutions et agir pour une véritable transition sociale et environnementale.
Il s’agit à la fois d’une crise et d’un appel à l’action. Les feux de forêt ne sont pas inévitables ; ils sont la conséquence de choix, et nous pouvons encore choisir autrement. Nous avons les connaissances, les outils et le pouvoir citoyen — organisateur·rice·s communautaires, gardien·ne·s autochtones, les professionnel·le·s de l'urgence et toute personne qui se préoccupe de notre avenir collectif — pour relever ce défi.
Les pistes d’action à suivre sont claires. En réponse aux feux de forêt, menons une action coordonnée et audacieuse pour éliminer les combustibles fossiles et soutenons une gestion durable dirigée par les peuples autochtones peut inverser la tendance inquiétante des dernières années. La question maintenant est de savoir si nous nous mobiliserons ensemble pour relever le défi.
Faites entendre votre voix après des dirigeant·e·s mondiaux·ales avec cette campagne internationale du Climate Reality Project : éliminez les combustibles fossiles et passez à l’énergie propre (en anglais seulement).
En savoir plus sur la journée d’action du 20 septembre.
En savoir plus sur la journée d’action « Ensemble pour la suite du monde » du 27 septembre.
En savoir plus sur la réduction des émissions et la transition mondiale vers une énergie propre et abordable (en anglais seulement).
Consulter le dossier Défondons l’avenir de nos forêts de Nature Québec.
Consulter l’article Les changements climatiques attisent les feux de forêt partout dans le monde de la Fondation David Suzuki.