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COP27: Une COP de mise en œuvre et de justice climatique

Entretien d’André-Yanne Parent, Directrice générale de la Réalité climatique Canada, avec Philippe-Vincent Foisy sur la radio qub.  

· Général

André-Yanne Parent, directrice générale du Projet de la réalité climatique Canada, se trouve actuellement à la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte. Elle a eu l’occasion de parler de son expérience et de sa vision pour la mise en œuvre des objectifs et des engagements pris par les États, notamment le Canada et le Québec, avec Philippe-Vincent Foisy sur QUB Radio. Cet entretien est aussi l’occasion de rappeler que la mobilisation de la société civile et de la population en général doit continuer afin d’atteindre la justice climatique.  

Philippe-Vincent Foisy : La COP 27 en Égypte, ça sert à quoi et à quel point est-ce que vous pensez qu’on va arriver à des résultats?  

André-Yanne Parent : Cette COP27, c’est vraiment une COP qui se situe dans un contexte géopolitique particulier, qui est complexe avec des tensions politiques internationales, qui vont avoir un impact sur la capacité de réaliser la diplomatie climatique. On constate des problèmes d’inflation, des problèmes en approvisionnement en énergie, des problèmes d’approvisionnement alimentaire également, et on est dans un contexte où on se dirige vers une hausse importante de 2.7 degrés Celsius de réchauffement d’ici la fin du siècle. On assiste à une hausse dans l’intensité et en fréquence des catastrophes climatiques, que ce soit des typhons la semaine dernière aux Philippes, des inondations au Pakistan, des feux qui ont ravagé le Sud-Ouest de la France cet été ou même plein de phénomènes auxquels on a assisté au Canada. Donc cette COP-là est vraiment une COP de mise en œuvre et de justice climatique. On est, comme vous l’avez souligné, dans une COP africaine, dans un héritage de la COP26, où on avait quand même abouti de justesse au Pacte de Glasgow sur le climat, où les parties s’étaient engagées à maintenir l’objectif du 1,5, et là ce qu’on veut de cette COP-là, c’est de s’assurer que les parties, les États, arrivent avec de nouvelles contributions déterminées au niveau national. Pour l’instant, seulement 29 parties sur 196 ont soumis ces contributions déterminées au niveau national réhaussées. On veut aussi bien évidemment regarder la question de l’adaptation. On a un programme de travail sur deux ans, qui avait été lancé sur la question du financement climatique, pour que des actions d’adaptation soient réalisées - ce fameux 100 milliards qui avait été promis - également un programme de travail pour arriver à un nouvel objectif quantifié pour le financement post-2025. On a ouvert la porte sur la question des pertes et dommages, des pertes et préjudices, donc pour le financement effectif dans un contexte de catastrophes, qui touche de façon disproportionnée les pays qui ont le moins contribué à cette crise climatique. Il pourrait y avoir un mécanisme de financement pour les pertes et dommages, ce qui n’est pas déjà le cas dans le contexte des COP.  

Philippe-Vincent Foisy : On parle beaucoup de travail, de ce qui est en chantier, mais j’ai l’impression qu’on parle peu de résultats concrets. Surtout quand on regarde la date : on est en 2022, on s’approche de 2030 dangereusement vite, et on n'a rien encore de très concret... Est-ce que, de façon réaliste, quand vous regardez ça, vous vous dites, qu'on est en train de travailler, mais on se fait des accroires, ou il faut continuer même si on n'y arrivera pas? C’est quoi votre vision de tout ça ?  

André-Yanne Parent : C’est absolument essentiel de continuer à travailler. En fait, la crise climatique ne sera pas résolue si on ne travaille pas tous ensemble et si on ne reconnaît pas des pays, notamment comme le Canada, notre responsabilité historique d’arriver avec des solutions. Il faut comprendre que l’accord de Paris, bien qu’il soit imparfait, est quand même contraignant. Il y a ce mécanisme dont on parlait des contributions déterminées au niveau national et dans les faits, sans la mise en œuvre de ce mécanisme-là, on arrivait à une trajectoire planétaire d’une hausse des températures à 3.5 dégrées Celsius. Alors oui, on est quand même sur une trajectoire actuelle de 2.4 degrés Celsius d’augmentation - donc ça ne va pas assez vite, ce n’est pas assez important - mais il y a une réduction. Donc, ce sont des mécanismes qui peuvent fonctionner, ce qu’il faut regarder, c’est évidemment qu’on mette en place au niveau domestique des outils effectifs pour atteindre nos objectifs. Le Canada s’est doté au niveau domestique d’une loi sur la responsabilité en matière de carbo neutralité, et là-dessus, il faut vraiment que la société civile et la population en général, soient outillées pour comprendre et tenir imputable le Canada, mais aussi le Québec comme province, de ses engagements dans ces espaces internationaux. Et pour faire ça, Réalité climatique - avec plusieurs autres organisations de la société civile qui viennent de plusieurs secteurs du milieu des syndicats, du milieu universitaire, et d’autres ONG et du secteur privé également - on organise deux semaines de programmation en continu pour permettre aux gens de bien comprendre c’est quoi les thématiques qui sont abordées, comment les négociations avancent au jour le jour, et aussi ramener cette COP-là à la maison dans le contexte québécois par rapport à l'agenda de la présidence, pour s’assurer que la population est capable de mettre plus de pression sur nos élus pour plus d’ambition et surtout pour livrer la marchandise comme vous l’avez souligné.  

Philippe-Vincent Foisy : La Canada va là avec l’industrie pétrolière, Steven Guilbeault est là, le premier ministre Justin Trudeau n’est pas là. La Chine n’est pas là, les États-Unis viennent, mais quand on regarde leur GES, ça continue à augmenter… N’avez-vous pas le gout parfois de juste brasser "une couple" de personnes et de faire : "hey les amis, ça va mal là, et ça va mal notamment à cause de vous et à cause de votre inaction, réveillez-vous et arrêtez d’essayer de nous faire des accroires que vous allez réussir alors que ce ne sont pas les actions que vous faites et que vous mettez en œuvre"?

André-Yanne Parent : Absolument, on travaille sans relâche pour brasser la cage et s’assurer qu’on n'est pas les seuls pour brasser la cage, qu’on outille la population en général, pour être capable d’identifier ces mécanismes-là d'écoblanchiment. Aujourd’hui, on assiste à une COP dans un contexte quand même extrêmement complexe par rapport au respect des droits humains. Évidemment, il n’y a pas de justice climatique sans le respect des droits humains, sans respect des droits des peuples autochtones, donc on souligne le courage de la société civile égyptienne dans ce contexte-là. Mais on assiste aussi à une COP où effectivement, il y a 25 % d’augmentation de la représentation du secteur des énergies fossiles, notamment pour le Canada. Donc, on a fait du bruit, on a eu une action par rapport à ça au pavillon du Canda pour dénoncer cette alliance canadienne qui regroupe six compagnies, un consortium qui représente 95% de la production de sables bitumineux au Canada, et c’est absolument inadmissible. On sait que dans un espace comme la COP, on est censé arriver avec des solutions, on laisse encore un espace qui donne une crédibilité aux fausses solutions qui viennent des énergies fossiles. Donc, il faut continuer à se mobiliser et par équité, par solidarité, on ne peut pas abandonner, on a une trop grosse responsabilité - un pays comme le Canada - pour ne pas répondre plus présent et pour que la société civile et la population ne demandent pas plus et mieux.

Retrouver l’entretien d’André-Yanne Parent, directrice générale du Projet de la réalité climatique Canada, avec Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio (en français seulement), ici: https://www.qub.ca/radio/balado/philippe-vincent-foisy?audio=1085740129